A deux encablures de Roscoff, l'île de Batz n'est pas la plus connue des îles du Ponant et c'est tant mieux. On n'a pas à y déplorer de foules envahissantes, même si, évidemment, c'est un peu plus chargé en été. Ses dimensions (3,5 km sur 1,5), son périmètre d'environ 10 km permettent d'en faire le tour en une demi-journée. Mais y aller au pas de charge ne donnera qu'un superficiel aperçu des richesses d'une l'île qui cultive davantage sa terre que son image de marque. Y rester au moins une nuit permet de comprendre un peu mieux comment vit une île, un peu du tourisme mais aussi de l'agriculture et de la pêche. En effet, exposée à la douceur du gulfstream, Batz bénéficie d'un microclimat qui favorise la production légumière mais aussi les fleurs. C'est une véritable jardinière, qui trouve son apothéose dans le jardin exotique Georges Delaselle où ont été acclimatées des centaines d'espèces tropicales. Y passer quelques heures provoque un inévitable et délicieux sentiment de dépaysement, sans oublier les nombreuses plages et criques de l'ile de Batz.
Porz Kernok est le premier aperçu de l'île. L'embarcadère, port de pêche, plage...
On retrouve sur l'île des habitations traditionnelles dont les jardins regorgent souvent de plantes tropicales qui semblent trouver à leur goût le microclimat local.
La côte sud, où se concentre l'habitat, est plutôt tournée vers le commerce, et la pêche.
Il reste une dizaine de caseyeurs et fileyeurs qui ramènent en mortes eaux (faibles coefficients de marée) un choix important de poissons et crustacés. Les goémoniers, armés de "scoubidou" récoltent des algues qui servent à l’industrie pharmaceutique, cosmétique et agroalimentaire. Qui servent aussi à enrichir la terre agricole.
Les commerces du bourg survivraient difficilement avec les 500 iliens restants. Le tourisme permet de les maintenir à flot. Il y a une école primaire et même un collège, avec une vingtaine d'élèves.
Les possibilités de loger sont nombreuses : deux hôtels et une bonne quantité de gîtes, dont celui de Mme Prigent qui fait régulièrement l'objet d'articles dans la presse nationale. On peut louer à la dernière minute. Le confort des gîtes locaux est généralement très bon...
...avec le plus souvent une jolie vue mer. A noter que les habitants ne sont pas, comme sur certaines îles ailleurs, blasés du tourisme. Lorsqu'on les croise, leur salut n'a rien de formel ni d'affecté. Les Batziens sont des gens accueillants.
En s'éloignant du bourg vers l'ouest, la côte se découpe en petites anses qui servent de refuges aux bateaux. Si les professionnels ne sont plus aussi nombreux qu'avant, les pêcheurs amateurs sont légion et quasiment chaque famille Batzienne a son embarcation. Le homard foisonne et chaque amateur a droit a deux casiers.
Peu de véhicules sur Batz, sinon des tracteurs. On circule à vélo, à pied, à vélomoteur. Presque chaque chemin débouche sur un "porz Quelque Chose" Porz signifie port, anse, lieu où l'on peut mouiller son bateau... Ou son maillot.
Plus on remonte vers le nord, plus la côte se fait sauvage. Dès l'hiver, l'île aux fleurs se couvre d'ajoncs. Il ne gèle quasiment jamais ici. Même par rapport à la côte pourtant toute proche, la différence moyenne est de 2° C. Voilà pourquoi les fleurs ne disparaissent jamais totalement et pourquoi tant de plantes exotiques se plisent ici.
Les chevaux sont nombreux sur l'île. Non seulement parce ce qu'ils servent encore aux travaux des champs mais ils sont aussi très utiles au centre équestre "Les Ecuries de Batz" qui propose cours et balades tous les jours sur rendez-vous (02 98 61 78 91). Ils servent aussi à entretenir le paysage et sont parfois en liberté.
A la pointe ouest de l'île se trouve l'amas rocheux de Toull ar Sarpent (le trou du serpent). C'est là que, selon la légende, Saint-Pol Aurélien aurait au VIe siècle dompté un dragon qui ravageait le pays en l'attrapant avec son étole (écharpe de tissu) par le cou, puis l'aurait précipité à la mer en le frappant de son bâton. Comme "bâton" se dit "baz" en breton, beaucoup veulent y voir l'origine du nom de l'île. Et l'étole qui aurait servi à dompter la bête est toujours présentée dans la sacristie de l'église du bourg comme l'authentique. Cependant, quelques mécréants affirment qu'elle ne remonte pas plus loin que le XIe siècle et aurait été rapportée des croisades.
Le Trou du serpent est en tout cas un lieu à mystère, spectaculaire pendant les tempêtes et inexplicablement sonore même par temps calme. D'aucuns prétendent que ce serait... le souffle du dragon en question. Mais quelques-uns en doutent...
Une grande zone humide à l'ouest permet à quantité d'oiseaux sauvages de nicher : eiders, cygnes, poules d'eau, hérons, spatules... Le fait également que la plupart des agriculteurs n'utilisent pas de pesticides favorise leur prolifération. L'île est un véritable paradis ornithologique et tous les cris et pépiements un enchantement pour les oreilles.
Les tadornes de Belon pullulent sur les côtes nord et est. C'est une espèce relativement rare, intermédiaire entre l'oie et le canard. Vite effrayés, il s s'envolent à l'approche des humains et leur envol est souvent spectaculaire lorsqu'ils sont en groupe.
Les côtes nord et est ne sont qu'une succession d'anses et de plages de sable, désertes la plupart du temps. Les parcourir donne une impressionnante sensation de dépaysement, probablement grâce à la nature restée intacte et à la faune sauvage demeurée très nombreuse.
Le phare surplombe la mer du haut de ses 71 m. Belle vue en perspective pour les visiteurs qui auront le courage de gravir ses 200 marches. Car le bâtiment se visite.
Belle récompense aussi pour ceux qui, ayant fait le tour de l'île, achèveront de s'éblouir au jardin exotique Georges Delaselle, à la pointe sud-est. Ouvert d'avril à novembre, de 11 h à 18 h (5 € et 2,50 €), il se visite en une heure... ou une journée, car c'est un labyrinthe végétal où l'on aime à se perdre et à revoir les différents parties sous un nouvel angle. Déjà après une heure, on ne sait plus si on est en encore Bretagne où déjà sur une île en plein pacifique. Palmeraie, cacteraie, bananeraie... la sensation de dépaysement ne fait que s'accentuer.
En 1897, Georges Delaselle, un assureur parisien en voyage à Batz s'éprend de l'île et s'étonne des nombreuses plantes tropicales ramenées de leurs voyages lointains par les marins. Ils acquiert un coin de dunes qu'il fait travailler et y plante durant des années des centaines d'espèces tropicales. A sa mort, la propriété sera vendue plusieurs fois puis laissée à l'abandon après la seconde guerre mondiale. En 1987, des bénévoles soutenus par le Conservatoire du littoral lui redonnent un lustre et une luxuriance que le jardin n'avait jamais atteinte. La dune est devenue oasis.
On peut aussi y découvrir des tombes et de l'âge du bronze découverte par Georges Delaselle lors de ses fondations.